J'ai bosse 3 semaines dans une boutique tenue par une fille. Une franchise de la marque a son pere, recemment ouverte. Elle tenait a ce que les employes se vouvoient, et avaient un leger cote professoral non assume ce qui empechait d'avoir des relations amicales entre nous (3 au total). C'etait tres lourd, mais je percevais une reaction reflexe face a une situation compliquee. Manager les autres ce n'est jamais facile. Elle avait une certaine beaute, parfois beaucoup, meme simple, dans son visage. Parfois moins, un peu trop de maquillage, les annees, le stress qui sait, le cachait, mais son profil etait toujours doux.
Marie Panier, c'est mon surnom secret pour toi. Je devais etre employe pour emballer les produits dans des 'paniers', chiants a faire et a vendre. Les Parisiens s'en fichaient, contrairement aux touristes dans l'Ouest France.
Sa veste dans l'arriere boutique, sa bouteille de coca zero, son affiche de Catherine Deneuve. Elle s'etait offusque quand je lui ai demande a qui etaient ces beaux yeux, et que notre difference d'age se voyait aux acteurs que nous connaissions.
J'ai souvent eu envie de la claquer avec ses manies, mais mes fautes me faisaient me taire. Parfois, le manque de clients aidant on parlait un peu, dans les limites de ma conversation. Je n'assumais pas non plus l'hypothetique sous-entendu de seduction. Elle avait une silhouette adorable, des mains douces.
A son incomprehension face aux ordinateurs je lui disais de ne pas se devaluer face a ce qui n'est qu'un brouillard de tendances sans reelle profondeur. je n'arrivais pas a assumer mes choix de vies, donc la conversation etait un peu vaporeuse. Elle en est venue a me dire qu'elle n'etait pas la par choix, mais par demande de son pere "quand il demande, on fait". Que les clients elle n'aime pas ca, et la vente non plus d'ailleurs. Ses longues sessions de rangement du stock etaient surement un moyen de couper un peu, elle prefere l'inventaire, c'est surement un peu au dessus cerebralement.
Elle croyait que j'y avais vole de la marchandise d'ailleurs, jusqu'a rapporter ca a son dirigeant. Pourquoi ? manque de choses a dire ? envie de penser a moi ?.. radinerie reflexe ? la boite a l'air de compter ses millions, c'est peut etre l'education paternelle (pures suppositions). N'empeche ils n'avaient pas de materiel de qualite. Bref c'est tres secondaire.
Elle a passe les fetes seules. Toute seule, avec son chat. Elle devait rester sur Paris pour bosser, sa famille, elle, partait dans le sud (sa mere y vit si j'ai bien compris). Je lui demandais si elle allait faire ca sur Skype.. 'non non'. Je repense a sa voix et j'ai de la peine, envie de la reconforter dans mes bras. Mon manque affectif qui s'exprime aussi. C'est delicat de s'immiscer dans la vie des gens. Surtout quand on a une experience tres surfaite de la vie comme moi. Qu'aurais-je pu lui apporter ? peut-etre un petit exutoire, une oreille... Du coup, inspire par Elunda (ancienne collegue de l'hotel de ville) j'ai pense ammener des chocolats des Galleries Lafayette, histoire de briser la monotonie. A la vue du paquet, elle a plaisante sur le fait que ca ressemble plus a un bijou qu'a des chocolats, avec une legere gene dans la voix, comme mettre le pied un peu trop loin. Suivi d'un "Merci beaucoup mon cheri", elle ne faisait jamais de plaisanterie sur ce ton, c'etait meme un peu ragoutant de la voir changer du tout au tout. Elle a voulu manger le dernier, ne voulant pas qu'elle prenne ca pour un cadeau personnel je lui ai rappele qu'il fallait le garder pour l'autre employee. D'un ton un peu sec reprobatoire ... Qu'a-t-elle pense ? passer d'une attention particuliere a un simple cadeau partage a plusieurs.
Je riais interieurement de sa souplesse qui la faisait devoiler ses courbes jambes tendues a longueur de journees. Sans admettre que je m'interrogeais sur des signaux je demandais a mon pote d'enfance si elle vivait seule ...
J'avais souvent des phrases au fond belliqueux, un reflexe sur le fait que le boutique et le job n'etaient pas a ma convenance, 30% de nos discussions avaient un parfum d'opposition. Je ne sais plus ou je voulais en venir. Peut-etre que le monde du travail est source de rapports humains superficiels, inevitables, le travail change, les collegues, ce n'est pas concu pour plus mais c'est devenu omnipresent, une societe bancale .. comment agir ?
Elle n'etait pas de service a mon dernier jour, elle a laisse une note pour rappeler a mon autre collegue des reductions employes. En partant j'ai laisse un petit message sur un de ses fameux post-it, ceux qui coutent tellement cher. 'encore merci, bon courage' , colle sur un coin de cette affiche de Deneuve que tu avais accroche sur ton bureau. Tes manies me manquent maintenant ...
Quand on m'a annonce la nouvelle ca ne m'a fait ni chaud ni froid ... c'est le 4eme dans mon entourage en quelque mois, je ne sais plus quoi penser. L'episode de noel serait une des causes logiques de tout ca alors je ne suis pas aussi surpris. Je ne t'ai frequente que recemment et 3 semaines a peine. Pas comme les precedents disparus. Mais petit a petit tes souvenirs remontent. Je n'ai meme pas eu honte a chercher des traces de toi sur internet. Ta page facebook n'est plus active depuis 2012. Ni celle de ta cousine. Personne n'y pleure, je ne peux partager mon chagrin avec personne, meme virtuellement. C'est meme pour ca que j'ecris ceci ... J'hesite meme a contacter ta famille .. Sur les dernieres photos tu es si jolie, et joyeuse, dur a croire que c'etait il y'a moins de deux ans. Les regrets de n'avoir pas ete plus simple et tendre. Je ne connais rien de toi Marie dans le fond, ni des raisons de ton geste, mais malgre tout ... ta mort, c'est comme une rupture amoureuse. Mes condoleances invisibles a tes proches.
En epilogue je realise que j'ai probablement impose ce genre de questions a des gens que j'ai frequentes a la fac. Eux, contrairement a moi a cette epoque, devaient avoir les emotions en place, et s'attacher aux gens. Couper les ponts comme je l'ai fait, meme si c'etait ma seule voix pour evoluer, a du les deranger... Je le regrette, mais c'etait doublement necessaire.
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J'aurais tant aime te prendre dans mes bras, affectueusement. L'impuissance me submerge, je suis traumatise.
ps: je m'interroge sur ma tristesse, est-ce sur un fond amoureux mal place, aurais-je la gorge nouee pour un collegue masculin ?
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